L'enfant face au deuil

 

Les âges ne sont là encore que des repères tant nous savons que les enfants grandissent tous différemment.

 

Avant 2 ans un deuil peut s'inscrire psychiquement comme une trace, une crypte disent Abraham et Torok dans « L’écorce et le noyau », c'est une ombre sur le moi dit Réfabert à la suite de Freud, une ombre porté par l'enfant qui peut ressurgir de façon très singulière à l'occasion d'un nouveau deuil. C'est à dire une part non élaborée, une émotion sans attache, objectale. 

 

De la qualité de la relation de l'enfant à l'adulte qui l'accompagne dépendra entièrement la possibilité que le psychisme de l'enfant intègre en son temps peu à peu, au fil de la maturation psychique dudit enfant la perte liée au deuil.

 

 

De 2 ans à 6/7 ans

 

La mort n'est pas un fait immuable pour l'enfant, elle reste temporaire, comme un état de vie, animé et inanimé sont non différenciés 

A partir de deux ans l'enfant peut être fasciné par la mort, son concept est en maturation, il peut imaginer que sa seule pensée est responsable de la mort d'un proche entraînant une forte culpabilité, cela demeure d'ailleurs très longtemps, nous savons que la rencontre fantasme et réalité peut être ravageuse.

L'agressivité peut également surgir comme protection, la sécurité de base se trouvant menacée. 

La mort est considérée comme contagieuse, réversible. Les enfants rencontrent la mort au travers des film, lectures, jeux vidéos, ils meurt pour « de faux » dans leur jeux.

Face à la mort réelle d'un proche, l'enfant va continuer à l'attendre, à lui parler, il est à la fois mort et vivant, le disparu, d'où l'importance de ne pas figer les représentations par des mots « il est parti » qui n'aide pas l'enfant à maturer cette idée d'irréversibilité de la mort, il faut du temps, laisser l'enfant cheminer mais répondre à ses questions. 

Cela vaut vraiment jusqu'à ce que le processus de symbolisation permette à l'enfant de se représenter l'irréversibilité de la mort autour de 8/9 ans.

 

Vers 9 ans

 

la maturation psychique permet à l'enfant l'accès à la conceptualisation , il peut se représenter la permanence de la mort. Un enfant perdant l'un des parents peut prendre appuie sur des traits d'identification de l'adulte disparu « faire comme » ce qui est plutôt signe d'une appropriation positive.

La verbalisation va aider également à vivre la phase dépressive nécessaire et à accéder à l'acceptation.

L'enfant va régresser et se projeter dans l'avenir dans le même temps, il a besoin de ce mouvement pour supporter la peine ce  que son psychisme ne peut pas faire.

 

De 9 à l'adolescence

 

 les possibilités de conceptualisation sont semblable à l'adulte, l'enfant mesure les implications d'un décès.

La phase de déni tout comme chez l'adulte sera présente, la pudeur, la peur d'être pris pour trop infantile à l'orée de l'adolescence peut provoquer un repli sur soi auquel il sera important de veiller, un préado, un ado pouvant fantasmer que montrer ses émotions, pleurer c'est « faire son bébé ».

L'apparente indifférence peut être de cet ordre ou très défensive, de l'ordre d'une des défenses bien connues d'annulation des émotions trop fortes et par là potentiellement trop dangereuses notamment si l'environnement est fragile. Attention à la parentification qui peut survenir, même plus tôt, parfois. 

 

L'enfant à tout âge est émotionnellement relié aux adultes dont il dépend , leur état psychique en situation de deuil influencera massivement la réaction des enfants, ils pourront être pris dans une position soignante pour l'adulte perçu comme en souffrance, par exemple, s'en faire l'allié, bénéficiant de sa reconnaissance, ce qui narcissiquement est positif mais qui peut se révéler délétère si le parent une fois remis lui intime de reprendre sa place sans reconnaissance de l'aide fournie, les sentiments de trahisons d'abandons peuvent en être décuplés. 

L'exemple qui peut illustrer cela est l'histoire d'une enfant de 8 ans partageant avec sa mère le deuil de son père, soutenant sa mère courageusement au cours du deuil de celle ci sans exprimer ses propres émotions si ce n'est en pleurant avec elle. Lorsque sa mère rencontra un homme qui vint partager leur vie, la mère se détourna de sa fille sans aucune reconnaissance de la place que celle ci avait occupé, la laissant par exemple très souvent aux grands parents, la disputant de ne pas travailler seule, alors que faire les devoirs avec sa fille lui apportait un grand soulagement ce que la fillette avait bien repéré...Des somatisations graves conduisirent cette enfant en psychothérapie et l'historisation des différents événements reliées aux émotions vécues alors ont permis de restaurer le lien avec sa mère un temps haït et la confiance en elle de cette jeune fille, préado au moment de la consultation.

 

A l'adolescence

 

le deuil d'un parent, d'un très proche peut être vraiment catastrophique à cet âge.

La psyché a déjà en effet, beaucoup à faire avec tous les remaniements identitaires, la poussée pulsionnelle majeure et le travail d'élaboration afin de quitter l'enfance pour ce rêver adulte.

Peu d'énergie psychique disponible donc. Le danger est le passage à l'acte, une émotion qui ne peut s'inscrire qu'en acte, une somatisation inscription là encore dans le corps d'une douleur indicible, irreprésentable.

Toutefois un adolescent peut mettre en mots, être porté par la communauté, ses pairs, prendre appuie et verbaliser sa douleur si l'environnement le permet.

 L'accès au symbolique permet à des adolescents d'écrire  des textes, lus lors des cérémonies, tout à fait étonnant, émouvant et formidable exutoire à la peine. 

La mise en partage est essentielle.

 

 

Concernant l'accompagnement d'un enfant en deuil :

 

Le facteur déterminant est la présence sécurisante, bienveillante, accompagnatrice de l'adulte, des adultes auprès de l'enfant. 

En effet, un enfant vit le deuil comme un abandon, un vide.

Il est donc important de s'assurer d'abord de l'état des adultes, de faire place à leur propre deuil. La proposition d'une aide au domicile d'un parent endeuillé pour prendre en charge la matérialité (démarches administratives, déplacement...) et la permanence de rituels de coucher, de repas, toilette etc sera bienvenue.

Chacun a besoin de sentir le soutien, la peine partagée car la solitude est vécue cruellement et un parent seul avec ses enfants aura besoin de ce soutien.

Aider à parler bien sûr, parler la colère, la peine autoriser les émotions, les vider par les larmes, être présent.

 

L'environnement peut également être complètement bouleversé pour l'enfant : déménagement, changement de garde, institution, famille d'accueil, la encore l'attention porté à l'enfant sera capital.

 

Nous l'avons vu, la qualité du lien au défunt, l'annonce, les circonstances du deuil, l'âge de l'enfant redouble le fait que tout deuil est singulier.

 

 

Nous pouvons néanmoins veiller à quelques éléments :

 

Permettre aux enfants d'être auprès de leur famille lorsqu'un deuil s'annonce, lors d'une longue maladie par exemple, est précieux, le deuil sera ainsi amorcer et vécu familialement.

 

Dire la vérité en étant prêt à accueillir les questions, telles qu'elles se présenteront.

Cependant, nous savons que les enfants ne demandent rien s'ils pensent l'adulte trop triste, pas prêt à dire.

On n’assène pas la vérité, on la doit mais comme l'écrivent Hanus et Bacqué dans « Deuil », « on ne dit pas la vérité en ces domaines, on y acquiesce ».

 

Il est très important de bien dire à l'enfant qu'il n'y est pour rien, nous l'avons vu un enfant petit est tout puissant, il peut penser que le simple fait d'avoir imaginé la mort d'un parent l'a tué.

 Il est également en proie à une culpabilité inconsciente qui peut véritablement le terrasser, peuvent ainsi apparaître des comportement agressifs, de provocations qui attendent d'être punis pour apaiser cette culpabilité qui les épuise.

Le danger d'un passage à l'acte grave peut prendre d'ailleurs sa source ici, un parent considérant la peine que vit son enfant face à un deuil peut ne pas le punir pour ne pas en ajouter ce qui peut conduire à encore plus de comportements extrêmes.

 

Utile de bien expliquer également que personne d'autre ne va mourir, car ses pensées là leur viennent bien souvent.

 

Il est très important de prévenir l'école, les enfants expriment leur désarroi bien souvent à travers leurs comportements. Suite à un deuil, il n'est pas rare de constater des difficultés d'attention, l'enfant est ailleurs, dans la lune, il peut être au contraire être toujours pressé, agité, là encore, il est ailleurs.

Il peut bien souvent aussi refouler, éviter tout ce qui pour lui va s'associer à la séparation, au deuil, nous pouvons penser aux maths, soustraire par exemple, mais bien d'autres domaines peuvent être contaminés par association et réduire ainsi le champs des connaissances car la souffrance est déjà trop lourde.

 

Si ce type de comportements ne s'estompe pas progressivement une consultation psychologique pourra s'envisager. C'est la fixité des attitudes qui doit alerter, quelque soit sa forme, aucune émotion, trop d'émotion peuvent être des sentiments à vivre mais s'ils se fixent la pathologie peut surgir.